La France va débloquer en faveur du Rwanda une somme estimée à 400 millions d'euros pour la période comprise entre 2024 et 2028. Paris et Kigali ont signé, le samedi 6 avril dernier, un accord à travers le ministre des Affaires étrangères et de la coopération Vincent Biruta et son homologue français Stéphane Séjourné. Une somme perçue comme une « indemnisation » de la France au Rwanda pour n’avoir pas empêché le génocide rwandais.  

De ce fait, Crispin Kashale rappelle en même temps que l’opération Turquoise de 1994 avait ouvert un couloir aux Rwandais – réfugiés et forces génocidaires – pour entrer en masse en République démocratique du Congo. Cette opération militaire, organisée dans la foulée du génocide par la France et autorisée par la résolution 929 du 22 juin 1994 du Conseil de sécurité de l'ONU, continue d’intriguer sur ses motivations réelles. Son action continue de produire des métastases dans l’Est de la République démocratique du Congo avec des massacres en série.

« Qui a payé les frais de l’opération Turquoise ? Et je pense que c’est tout simplement regrettable que la population congolaise manque quelqu’un qui va montrer les conséquences réelles de cette opération en RDC », a déclaré Crispin Kashale. D’autant plus que cette opération a détruit le Congo (ex-Zaïre), non seulement dans sa partie orientale, mais aussi au centre.

« Déverser toute la population rwandaise sur le sol congolais, parce que tout simplement la France a donné une possibilité de sortie aux Rwandais. La France doit payer les conséquences en RDC », a-t-il insisté. Pour lui, le pays devrait avoir une autorité qui sait plaider les causes de la RDC. « Si nous avions des responsables qui ont la capacité de comprendre, de plaider la cause de la RDC, je pense que le monde ferait un plan Marshall pour la reconstruction globale de la RDC », pense-t-il. Par rapport à la commémoration des 30 ans du génocide rwandais, il se rappelle un adage « Mashi » qui dit en français : « si tu t’ignores toi-même, personne ne te donnera de la valeur ». Une façon pour lui de faire appel à la conscience des Congolais qui doivent honorer leurs propres morts.  

« Nous n’allons pas oublier qu’il y a eu massacres et des femmes enterrées vivantes à Kasika ; nous n’avons pas oublié ce qui s’est passé à Kaniola, à Makobola, ou alors à Tingitingi et même à l’Ouest, à Mbandaka. Nous avons vu dans le film [réalisé par] Thierry Michel », a-t-il ajouté.

Crispin Kashale se demande quand est-ce que le Parlement congolais va convoquer une session spéciale uniquement pour réfléchir sur les morts congolais dans l’Est et à l’oust du pays dans le contexte de ces décennies de violences au Congo ou sur les différents massacres. A l’en croire, tout devrait commencer par une conscience collective, se rappeler les dates noires de ces massacres et faire un musée pour honorer leur mémoire. Et c’est en ce moment-là que la France pourra aussi payer les prix de cette opération Turquoise, pense cet expert en justice transitionnelle. Il a enfin appelé à la mise en œuvre du processus de justice transitionnelle tant souhaitée par le docteur Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018. Cela va permettre, selon lui, de « pleurer les morts congolais », « réparer les plaies et chercher la paix. »

Dido Nsapu