En 2012, Michel MUGARUKA KABOYI tente un coup d’essai, avec un ouvrage à la fois audacieux et interpellateur : « Forces des Nations Unies et responsabilité internationale : opérations de maintien de la paix de l’Onu, imputation et réparation ». Un véritable cri de cœur et une interpellation de raison d’un intellectuel angoissé par les abus de l’Onu.

De public en public, ce coup d’essai se transforme presqu’en coup de maître et inspire davantage son auteur. D’autres publications s’en sont suivies. Telles sont le cas notamment de : « Quel avenir pour les victimes d’abus d’exploitation et d’abus sexuels ? » ; « Bilan de 18 ans de présence de la Monusco en RDC » et autres…

Le temps a coulé, et apparemment, l’écriture de ce juriste a davantage muri. Rien d’étonnant donc que l’intellectuel Congolais fasse encore parler de sa plume mais en élargissant cette fois-là l’argumentation et le débat.

C’est le sens de cette nouvelle parution de 233 pages, éditée aux prestigieuses éditions BALLAND : « L’Onu face aux victimes : la compétence pénale des Etats contributeurs de troupes de l’ONU à l’épreuve des droits des victimes »

Ici, comme l’a préfacé Jérôme KITOKO KIMPELE, Premier Président de la Cour de cassation, l’auteur met en alerte et propose une solution scientifique démontrée, face à ce que lui-même qualifie de métastase cancéreuse des abus et exploitations sexuels, de temps en temps et paradoxalement, observés dans le chef de soldats de la paix et du personnel civil de l’ONU sur le théâtre des opérations de paix.

Ce livre, en somme, fait rentrer dans le méandre des opérations de maintien de la paix, en manifestant les causes de leurs faiblesses lorsqu’elles sont tributaires à l’exercice de la compétence pénale par les Etats contributeurs de troupes. Il traite également de l’inaffectivité de la réparation des victimes des fautes graves commises par les soldats de la paix et le personnel civil de l'ONU.

L’historique et l’évolution des opérations de maintien de la paix, les rôles des Etats et de l’Onu dans la mise en œuvre de ces opérations, sont à retrouver dans  lapremière partie du livre. Il en est de même les sortes des conflits internationaux, les principaux enseignements tirés pour les planificateurs et les décideurs, les faiblesses du système onusien, le rôle de l’Onu avant les opérations de maintien de la paix et tant d’autres sujets intéressants.

La seconde partie de l’ouvrage ou mieux  le deuxième chapitre, se veut celle de débloquer l’énigme systématique onusienne de la permissibilité des casques bleus récalcitrants. Alors que la première section de ce chapitre se décline en une analyse sur l’état de victimes dans les opérations de maintien de la paix, la section 2 quant à elle, étaie les perspectives structurelles et institutionnelles à envisager  pour colmater les brèches de l’inconsidération si pas de l’ignorance des victimes  dans cette catégorie d’opérations.

Dans cette partie, l’auteur répond à une question que le commun des mortels se pose constamment. Celle de savoir si les victimes dont il est question sont ignorés ou inconsidérés.

Un peu plus loin, l’Ecrivain énumère à l’intention de ses nombreux lecteurs disséminés sur l’ensemble de la planète, quelques principes directeurs du code de conduite des soldats de la paix. En l’occurrence, les dix règles du code de conduite personnelle des casques bleus, lesquelles règles dont le noyau est constitué de quatre principes de base. Ceux-ci résument les valeurs fondamentales des Nations Unies, dans leur tâche de maintien de la paix et de la sécurité internationale.

Il est par ailleurs fait état dans ce chapitre, des mesures en vigueur de l’Onu pour lutter contre les actes d’exploitation et abus sexuels dans ses opérations.

Dans la foulée, l’on y retrouve : le viol, les rapports sexuels en échange d’argent, des marchandises ou de services ainsi que des rapports sexuels avec une personne âgée de moins de 18 ans. Tous ces actes commis par des militaires de l’Onu, les membres de la police sont interdits par l’Onu.

Toujours dans cette partie, l’Ecrivain n’a pas non plus voulu escamoter le dossier consacré  aux opérations de maintien de la paix en République Centrafricaine dont a fait partie le contingent de la République Démocratique du Congo. Il a passé au peigne fin toutes les péripéties liées à cette affaire moyennant une analyse intrinsèque, depuis l’invitation de la CEEAC en passant par l’expulsion du contingent incriminé, jusqu’à leur procès à la prison de Ndolo/Kinshasa.

Par rapport à ce sujet, l’auteur aboutit à la conclusion selon laquelle « la répression des infractions commises par les officiers Congolais en Centrafrique ressemble à un enfant qui décide d’être enterré dans le ventre ! »

Dans le même registre, parlant cette fois-là de droit à la réparation des victimes, l’Expert des dossiers onusiens fait savoir que celle-ci  se trouve être le seul et unique gage susceptible d’assainir la crise psychologique des concernés directs et indirects. Ce droit, de surcroit confirmé,  a-t-il insisté, pourrait adoucir la teneur des victimes tout en calmant leur ardeur.  Il invite ainsi l’Onu à prêcher par l’exemple.

Enfin, dans la toute dernière partie voulue plus pédagogique, à savoir la conclusion, l’auteur réagit face aux légitimes inquiétudes liées aux missions de maintien de la paix, tout en y apportant quelques recommandations.  Il fait également observer que, de plus en plus, la majorité de ces actes répréhensibles prennent curieusement  place dans les Etats déjà sérieusement affectés par des conflits.

Un autre obstacle relevé dans ce livre réside dans le fait que les Etats contributeurs des troupes n’ont pas actuellement de volonté sérieuse lorsqu’ils n’accusent pas  des déficits matériels, logistiques ou financiers pour poursuivre leurs propres soldats. Et de leur coté, les Nations Unies sont dépourvues du pouvoir de contraindre ces Etats à la poursuite de leurs soldats.

1. Solutions onéreuses : Tribunal Bleu

Ainsi, Michel MUGARUKA KABOYI recommande que ces opérations de paix assurent dorénavant non seulement la sécurité des populations civiles mais qu’elles contrôlent et fassent respecter aussi les droits humains. Face aux crimes commis par les soldats de la paix et personnel civil international, la responsabilité doit être dégagée et le fait illicite réparé, préconise le chercheur.

Et cette réparation doit être assurée soit par l’Onu, si elle exerce un contrôle effectif sur le comportement, ou soit par l’Etat si le fait illicite provient des questions dont l’Onu  n’est pas investie.

L’auteur conclut qu’après une soixantaine d’opérations de paix de l’Onu durant plus de sept décennies, dans les missions couvertes sous son mandat et celles couvertes sous son autorisation, il est regrettable de constater l’impunité des casques bleus et autre personnel de paix entretenue par les Nations Unies, de suite de la compétence  pénale réservée aux Etats contributeurs de troupes. Ce silence, à l’en croire, devient suicidaire et donc source d’une impunité universelle.

Dans l’épilogue, l’Expert suggère quelques améliorations onéreuses et non onéreuses.

Il propose l’amélioration et l’extension des compétences des Bureaux internes de réclamation, qui ne doivent plus rester comme des simples instances de discipline mais doivent plutôt agir comme de véritables juridictions avec un budget conséquent déjà intégré dans le budget de la mission et comprenant en leur sain des magistrats, juges, enquêteurs, greffiers, ect. Une fois les peines prononcées contre les casques bleus , la peine peut être purgée dans leur pays d’origine tout en donnant l’occasion à la mission de suivre l’exécution effective de la peine. De sorte que si l’Etat ne respecte pas l’exécution de la peine, il peut engager sa responsabilité internationale pour fait internationalement illicite (affaire Comte Bernadotte, avis consultatif CIJ).

2. Solutions non-onéreuses :

L’auteur propose la ratification par l’ONU du pacte international relatif aux droits civils et politiques(PIDCP) à l’instar de ses Etats membres, ce qui permettrait aux victimes de pouvoir saisir le comité des droits de l’homme pour des manquements constatés dans le chef de l’ONU.

Il poursuit en expliquant que l’UE l’a déjà fait, en ratifiant la convention européenne des droits de l’homme, ce qui pourra désormais donner l’occasion aux particuliers de pouvoir saisir la Cour pour manquements commis par elle (UE)

L’auteur est Directeur du Centre de recherche sur les opérations de Maintien de la paix (COP), membre de l’Association internationale des procureurs et poursuivants francophones (AIPPF). IL a été formé aux Universités Catholique de Louvain, Protestante du Congo, Moncton et Montréal du Canada.

Fort de son expérience dans la gestion des conflits touchant aux opérations de maintien de la paix, il travaille comme partenaire des Nations Unies dans la prévention des actes d’exploitation et d’abus sexuels dans les missions de paix de l’Onu. Comme dit ci-haut, il a, à son actif, plusieurs publications scientifiques.

Correspondance particulière


(DNK/Yes)