Au lendemain de son investiture, le 24 janvier 2019, Félix Tshisekedi et sa formation politique, l’Udps, hier dans l’Opposition, ont automatiquement basculé du côté du pouvoir.

Sous le poids du même déclic politique, la Coalition Lamuka, avec Martin Fayulu aux commandes visibles, tend vers l’incarnation proprement dite de la nouvelle Opposition congolaise.

Curieusement, il s’observe une sorte de cacophonie. D’une part, entre ceux qui sont sensés se concentrer sur la gestion de la République, les cinq ans de la mandature n’étant nullement une éternité.

Et de l’autre, ceux qui sont appelés à assumer, démocratiquement, le rôle d’une opposition républicaine.

En effet, par des mots et des gestes de trop, des messages décousus, des actes moins réfléchis et des manifestations publiques à couteaux tirés, ces deux camps politiques sont loin de comprendre qu’ils doivent jouer la meilleure partition possible, pour ne pas donner l’occasion à ceux qu’ils ont combattus hier, de revenir en force. Tout simplement parce que l’opposition d’hier, aujourd’hui au pouvoir, plongée dans la distraction, risque de "tirer à terre...".

Ce qui est vrai, le temps ne fera de cadeau à personne.

Tout le monde semble avoir oublié sa cause. Il serait plus raisonnable de penser désormais à la reconstruction du pays plutôt qu’à l’abrutissement des mœurs qui n’a fait qu’empirer les choses.

L’alternance politique aujourd’hui nouveau symbole de la démocratie en RD. Congo, ne devrait pas être qu’un slogan répétitif sans aucune faisabilité concrète. Il doit s’en suivre les actes prouvant le redressement d’un Etat longtemps resté au bas de l’échelle.

Certes, incrustée dans l’optique de l’opposition farouche depuis près de quarante années, l'UDPS doit rapidement se défaire de son idéalisme « Combattant » pour lequel elle s’est battue et s’est finalement accaparé du pouvoir.

Le style, la manière et la méthode par lesquels elle y arrivée sont peut-être à revoir mais le réalisme oblige à accepter la vérité tel qu’elle se présente, en attendant l’avis du réel.

Il ne doit aucunement être question de pratiquer l’opposition pour l’opposition, mais dans le but d’obtenir un jour le pouvoir.

Et une fois obtenu, la bataille n’est donc plus la conquête du pouvoir mais sa conservation aussi longtemps qu'il le faudra, par voie démocratique bien entendu.

L'Udps est désormais le parti au pouvoir, mais les attitudes des militants laissent encore planer le doute sur leur véritable appartenance politique. Le sang chaud qui les animait, pour expliquer à toutes les tentatives populaires et politiques du précèdent régime, bouillonne toujours en eux, visiblement.

La nouvelle position de leur leader devrait, sans nulle doute, les motiver à pratiquer maintenant une politique à impact visible, entreprenant des idées novatrices pour pousser l’ensemble des Congolais au travail et inculquer l'esprit du militantisme responsable.

Réalisme politique 

Martin Fayulu, lui, s’enracine de plus en plus dans la contestation sans fin dont il en a exprimé les couleurs le samedi 2 février dernier. Lors d’un meeting organisé par Lamuka à la Place Sainte Thérèse, dans la commune de N'djli.

Curieusement, l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social organise, également, le vendredi 15 février 2019, un meeting au même endroit pour commémorer le 37ème anniversaire de la création du parti. Même si pour l’Udps ce n’est une réponse directe à l’endroit de leur ancien allié de l'opposition, cet appel à mobilisation en a bien l'air.

Sur les plateaux de télévision, les antennes de radios et de multiples interviews dans la presse, plusieurs cadres de Lamuka et Udps incrustés dans CACH, s’adonnent encore au jeu des propos offensifs, perdus chacun dans l'errance de leur lutte première. Réuni autour d'un nombre à tendances variées selon les organisateurs et la police, les militants et sympathisants alignés derrière la cause de la "vérité des urnes" ont usé des cris et chants un peu plus provocateurs et injurieux qu’élégants et politiques.

Affirmant qu'ils mèneront le combat pour faire triompher la vérité jusqu’au bout, ils étaient nombreux à croire encore à une RDCongo dirigée par le Président de l’Ecide. Pour Lamuka, Félix Tshisekedi et son prédécesseur, Joseph Kabila ont conclu une alliance sournoise en vue de tripatouiller les vrais résultats des élections du 30 decembre2018.

Loin de vouloir répondre coûte que coûte aux bravades des autres l'Udps a plutôt intérêt à considérer Lamuka comme étant l'incarnation de la nouvelle Opposition congolaise qui va aider et recadrer le régime en place dans l'exercice de sa gestion de l'Etat.

Responsabilités 

Lamuka qui, autrefois, luttait pour le changement au cœur de la République, ne vise aujourd’hui que la tête de l'actuel Chef de l’Etat. Faudra-t-il se battre pour le recomptage des voix pendant les cinq prochaines années ou faire asseoir les nouveaux idéaux politiques pour mieux affronter les joutes électorales de 2024 ? Toutefois, pour l’instant, ce qui préoccupe Martin Fayulu, délaisse par plusieurs alliés provisoires et occasionnels, c’est un combat qui, tous les jours, perd de sa teneur.

Pour l’Udps dont Félix Tshisekedi a cédé les commandes à Jean-Marc Kabund en raison de son indisponibilité, il est peut-être question d'accepter la mutation et le changement de rôle pour assister le Président de la République dans ses tâches nouvellement acquises.

Les militants doivent-ils toujours tuer le temps à s’occuper soigneusement de l’Opposition dont ils ne font plus partie ou s’inscrire dans la logique de la réalpolitique.

Entre temps, Félix Tshisekedi est en pleine tournée régionale, la première depuis son investiture, et il a debuté par l'Angola le mardi 6 février 2019. Le président de la République démocratique du Congo était mardi à Luanda pour un entretien à huis clos avec son homologue angolais Joao Lourenco au palais présidentiel.

Lors d'une conférence de presse conjointe, Félix Tshisekedi a défendu devant son voisin la légalité de son élection toujours contestée. Le chef d’Etat congolais a reconnu quelques irrégularités au cours du processus électoral, mais il a surtout vanté l'alternance pacifique qu'a connue son pays.

En ce qui concerne le cas de Martin Fayulu qui dénonce toujours un putsch électoral et revendique la victoire, il attend toujours les preuves qu’il n'a toujours pas vu, a-t-il avoué.

Joao Lourenco a félicité son homologue congolais. Pour l’Angola, l’arrivée de Félix Tshisekedi à la tête de la RDC est désormais perçue comme une occasion de donner un nouvel élan à la coopération entre les deux pays.

Les deux chefs d’Etat ont promis de mener à bien les projets déjà en cours, mais aussi d'en porter de nouveaux.

De son côté, Félix Tshisekedi s'est dit ouvert à une "collaboration dans tous les domaines", y compris le domaine migratoire. Il a notamment souhaité que les expulsions de Congolais d’Angola qui se poursuivent se fassent dans des conditions "humaines" et demande à ce que ses services d’immigration soient prévenus avant toute nouvelle vague de retours.

Autant de sujets qui pourraient être au menu d'une commission mixte Angola-RDC dont Félix Tshisekedi a annoncé qu’elle se tiendrait prochainement à Kinshasa. Après l’Angola il a atterri à Nairobi, au Kenya, ce 6 février au matin. Et va clôturer son voyage à Brazzaville.


La Prospérité 


(BT/TH/Yes)