Vendredi, le pape François a profité de sa visite à Chypre pour placer la question migratoire au cœur de l’actualité. L’île européenne dit compter le nombre le plus élevé de premières demandes d'asile des 27 membres de l'UE par rapport à sa population.

En voyage à Chypre, le pape François entend braquer les regards sur la question migratoire, enjeu majeur pour cette île de la Méditerranée située non loin de la Turquie, du Liban et de la Syrie.

Lors de ce déplacement, il a souhaité mettre des migrants à l’honneur. Le souverain pontife a présidé, vendredi 3 décembre, une prière œcuménique avec plusieurs migrants, dans une église située près de la zone tampon administrée par l'ONU.

"Votre présence, frères et sœurs migrants, est très significative pour cette célébration", a dit le pape de 84 ans dans l'église de la Sainte-Croix. Dieu nous appelle "à ne pas nous résigner à un monde divisé,  mais à cheminer dans l'histoire attirés par le rêve de Dieu : une humanité sans murs de séparation, libérée de l'inimitié", a-t-il ajouté.

Arrivé la veille, le pape a exhorté le continent européen à "l’unité". "Nous avons besoin de marcher ensemble", a-t-il déclaré, évoquant la Méditerranée comme "une mer qui a bercé tant de civilisations, une mer d'où débarquent, aujourd'hui encore, des personnes, des peuples et des cultures de toutes les parties du monde".

Le pape François a aussi appelé à "ouvrir les yeux" devant l'"esclavage" et la "torture", que subissent les migrants dans les camps, dressant un parallèle avec la Seconde Guerre mondiale. "Cela nous rappelle l'histoire du siècle dernier, des nazis, de Staline, et on se demande comment cela a pu se passer. Mais ce qui s'est passé autrefois est en train d'arriver aujourd'hui sur les côtes voisines. Il y a des lieux de torture, des gens qui sont vendus. Je le dis car c'est ma responsabilité d'ouvrir les yeux."

Pour cette initiative, le souverain pontife a été remercié très chaleureusement par le président chypriote, Nicos Anastasiades. Confrontée à une arrivée massive de réfugiés depuis plusieurs mois, la République de Chypre dit enregistrer le plus grand nombre de primo-demandeurs d'asile en Europe rapporté à sa population.

Nicosi affirme que quelque 10 000 migrants en situation irrégulière sont arrivés au cours des dix premiers mois de l'année, la plupart depuis le nord de l'île. Chypre est divisée depuis l'invasion du nord par l'armée turque en 1974, en réaction à un coup d'État de nationalistes chypriotes-grecs souhaitant rattacher l'île à la Grèce.

La proportion de candidats et de bénéficiaires de la protection internationale à Chypre correspond à 4 % de la population, d’après le ministre de l'Intérieur chypriote, Nikos Nouris. "Il est évident que c'est un nombre énorme au regard de la population de Chypre, qui est de 1,2 million d'habitants, et de ses ressources financières et humaines", a-t-il alerté dans un entretien accordé à l’hebdomadaire Marianne à la mi-novembre.

D’après le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR), plus d'un cinquième des nouveaux demandeurs d'asile sur les neuf premiers mois de 2021 étaient des Syriens. Toutefois, le nombre de demandeurs d'asile d'Afrique de l'Ouest a augmenté en 2019. La plupart des migrants arrivent de Turquie "par les zones qui ne sont pas sous le contrôle effectif" du gouvernement de Chypre, selon Nikos Nouris.

Une partie des migrants atteignent Chypre par la voie maritime, l'île située aux confins de l’Union européenne se trouvant à moins de 100 km du rivage turc.

Mais la grande majorité des personnes arrivées cette année passent par la "ligne verte", la ligne de démarcation, longue de 180 km, séparant les communautés chypriote-grecque dans le sud et chypriote-turc dans le nord.

La République de Chypre accuse Ankara d’instrumentaliser des migrants, arrivés par avion depuis la Turquie vers la partie nord de l'île, en leur permettant de traverser la frontière avec le Sud. Cette zone tampon entre les deux parties de l'île est théoriquement surveillée par des patrouilles de l'ONU.

Dépassé, le gouvernement chypriote cherche à limiter ces arrivées, qui s’ajoutent aux plus de 33 000 personnes résidant de manière illégale à Chypre. Au printemps dernier, une trentaine de kilomètres de barbelés ont été érigés sur "la ligne verte" à l'ouest de Nicosie. Chypre envisage aussi de demander à la Commission européenne le droit de suspendre les demandes d’asile des personnes "entrant illégalement dans le pays".

Gisèle Mbuyi MMC/AFP


(GMM/PKF)