À l'occasion d'une ultime visite à Moscou avant son départ du pouvoir, la chancelière allemande Angela Merkel a demandé, vendredi 20 août, à Vladimir Poutine de libérer l'opposant Alexeï Navalny, un appel rejeté par le président russe.

"Une fois de plus, j'ai réclamé au président russe la libération d'Alexeï Navalny et j'ai clairement dit qu'on continuerait", a déclaré Angela Merkel au cours d'une conférence de presse commune à Moscou avec Vladimir Poutine.

Ce dernier lui a rétorqué que son principal opposant n'était pas détenu "pour ses activités politiques", mais pour "une infraction criminelle envers des partenaires étrangers".

Retourné en Russie en janvier après une convalescence en Allemagne, Alexeï Navalny avait immédiatement été arrêté puis condamné à une peine de deux ans et demi de prison dans une affaire de fraude qu'il dénonce comme politique.

Les autorités russes se sont attelées ces derniers mois au démantèlement de son réseau avant les législatives de septembre, classant ses organisations "extrémistes", bloquant des sites internet qui lui sont liés et plaçant ses alliés et ses proches en liberté surveillée.

Militant anticorruption, Alexeï Navalny est surtout connu pour ses enquêtes dénonçant le train de vie et les malversations des élites russes, y de compris Vladimir Poutine et de son entourage.

Vladimir Poutine estime quant à lui, ainsi qu'il l'a dit vendredi, que "la lutte contre la corruption ne doit pas être utilisée à des fins politiques", tout en assurant que "la lutte contre la corruption est très importante" et que la Russie fera "tout" pour l'éradiquer.

La visite d'Angela Merkel en Russie intervient un an jour pour jour après l'empoisonnement d'Alexeï Navalny, qu'il a attribué au Kremlin et aux services de sécurité russes, le FSB.

L'opposant a remercié vendredi, de sa prison, dans un message sur les réseaux sociaux tous ceux qui lui ont sauvé la vie et affirmé qu'il poursuivrait son combat.

Poutine et Merkel plaident pour la paix en Ukraine 


Lors de cette rencontre, Angela Merkel s'est exprimée sur un autre sujet sensible : la guerre en Ukraine. La chancelière allemande a, en effet, estimé qu'il fallait "maintenir en vie" les négociations de paix sur l'est de l'Ukraine, malgré leur lenteur. "Je conseille de continuer d'essayer de maintenir en vie ce format et qu'il ne finisse pas dans l'impasse", a-t-elle dit, même "si les avancées ne sont pas aussi rapides que nous l'espérions".

Vladimir Poutine a aussi plaidé pour cela, accusant quant à lui l'Ukraine de vouloir les dynamiter. "On a l'impression que les autorités du pays ont décidé de renoncer par principe à un règlement pacifique", a commenté le président russe.

Les accords de paix de Minsk, signés en 2015 sous l'égide de Paris et Berlin pour mettre fin à la guerre dans l'est de l'Ukraine avec des séparatistes prorusses ont mis fin au pire des combats, mais aucune solution politique n'en a jamais émergé.

Mis à part ces accords, "il n'y a aucun autre instrument pour aboutir à la paix" dans ces régions, a insisté Vladimir Poutine, appelant à les traiter "avec respect et délicatesse".

Vladimir Poutine a également demandé à la chancelière allemande, qui se rendra dimanche en visite en Ukraine, d'"influer sur la partie ukrainienne pour qu'elle respecte ses obligations" dans le cadre de ces accords, que Moscou et Kiev s'accusent régulièrement de violer. Ce conflit, qui selon l'Ukraine et les Occidentaux a été déclenché avec l'appui de la Russie, a débuté juste après l'annexion de la Crimée ukrainienne par Moscou en 2014.

Poursuivre le dialogue malgré de "profonds différends"

Avant d'être reçue au Kremlin par Vladimir Poutine, Angela Merkel s'était rendue sur la tombe sur soldat inconnu soviétique. Elle avait alors plaidé pour la poursuite du dialogue avec la Russie malgré leurs "profonds différends".

Vladimir Poutine avait, lui, relevé que ce rendez-vous n'était pas "juste une visite d'adieu", mais une rencontre "sérieuse" entre ces vétérans de la vie politique européenne car "beaucoup de questions doivent être discutées".

Mais derrière les sujets qui fâchent, Angela Merkel a aussi des points de convergence avec la Russie de Vladimir Poutine. Les deux dirigeants ont défendu leur gazoduc Nord Stream 2 dans la mer Baltique, dénoncé par l'Ukraine, car sa mise en service la privera de droits de transit essentiels à son économie. Le gazoduc doit, par ailleurs, être achevé dans les jours à venir.

La chancelière a dit une nouvelle fois que son allié devrait rester un pays de transit pour le gaz russe, tandis que Vladimir Poutine a assuré qu'il y aurait des négociations commerciales à ce sujet.

France 24 (Avec AFP)


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