Les habitants de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, se sont constamment interrogés sur la compétence et l'utilité des membres de l'Observatoire volcanologique de Goma, OVG. Il en ressort que l'éruption de samedi soir sur un flanc du volcan Nyiragongo a pris tout le monde au dépourvu, y compris les autorités, forcées d'ordonner l'évacuation de la ville.

Le volcan Nyiragongo n'était plus surveillé depuis sept mois, faute de financements et de budget du gouvernement pour soutenir l'Observatoire de volcanologie locale, selon le directeur de cet organisme.

Dans un sauve-qui peut général, des dizaines de milliers de personnes ont fui vers le poste-frontière avec le Rwanda, tout proche, au sud de Goma, ou vers le Sud-Ouest, en direction de la région du Masisi.

Tout en sachant que cette structure ne disposait plus de ses moyens pendant plusieurs mois et que la surveillance avait été interrompue avant de reprendre il y a peu, l'OVG a été pointé du doigt et ses fonds en partie d'origine internationale avaient été coupés parce soupçonné d'entretenir un très grand nombre d’emplois fictifs.

Autre possible éruption pour 2027

Selon les mêmes sources, on sait malheureusement que la science volcanologique fait rarement des miracles bien qu'elle ait tout de même progressé et qu'elle peut se targuer de quelques succès modestes, sur des volcans bien étudiés.

Malgré cela, un groupe de volcanologues avait sonné l'alerte, si l'on peut dire, dans un article publié en août de l'année dernière dans le journal Geophysical Research Letters. Dario Tedesco, volcanologue à l'Université Luigi Vanvitelli de Campanie, qui connaît bien le Nyiragongo qu'il étudie depuis 2002 et le géophysicien Pierre-Yves Burgi, de l'Université de Genève, y exposaient avec leurs collègues les conclusions de leurs derniers travaux conduits à partir d'observations et de mesures qu'ils avaient pu faire au début de l'année 2020 lors d'une expédition au Nyiragongo.

Février 2020 : une équipe internationale de volcanologues accède au fond du cratère du Nyiragongo pour mener différentes études sur les gaz. Ils sont aidés en cela par les spécialistes du volcan de la Société de volcanologie Genève. Mission réalisée avec le soutien de l'OVG, le Parc national des Virunga et la Monusco Goma.

Les données collectées rappelaient malheureusement celles décrivant l'état du Nyiragongo avant l'éruption de 2002. La hauteur du lac de lave, interprétée dans le cadre d'une modélisation du volcan, laissait penser qu'une pression trop importante du magma pour que les roches du stratovolcan puissent résister bien longtemps était présente.

Les calculs laissaient donc penser qu'une éruption se produirait peut-être entre 2024 et 2027, et peut-être bien avant, en raison de l'activité sismique de la région du rift qui pouvait déstabiliser ce qui restait d'un frêle équilibre.

La précédente éruption majeure du Nyiragongo, le 17 janvier 2002, avait fait une centaine de morts. L'éruption de ce samedi ressemble à bien des égards au scénario d'il y 19 ans. L'éruption la plus meurtrière du Nyiragongo, en 1977, avait fait plus de 600 morts.

Le caractère explosif des éruptions des XVIIIe et XIXe siècles a été remplacé par l'émission de laves très fluides sous forme de longues coulées, à partir de l'éruption de 1927 qui se termine en 1972. Au cours de cette éruption d'un demi-siècle, un lac de lave se met progressivement en place dans le cratère sommital du volcan.

Le lac de lave se vide brutalement le 10 janvier 1977 en moins d'une heure en donnant naissance à une coulée de lave qui se dirige vers la ville de Goma, située à dix kilomètres au sud du volcan, en s'arrêtant à proximité de l'aéroport, non sans avoir provoqué la mort de 600 personnes et des dégâts matériels.

Le volume de 22 millions de mètres cubes de lave du lac2 laisse alors la place à un cratère de 900 m de profondeur.

Raymond Okeseleke


(ROL/PKF)