La junte au pouvoir au Tchad est satisfaite de la décision de l'Union africaine (UA). Jeudi, dans une résolution rendue publique sur son site Internet, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'organisation africaine avait réclamé que la "transition démocratique" dans le pays soit achevée "en 18 mois" et débouche sur des élections "libres, justes et crédibles", mais avait choisi de ne pas sanctionner les nouvelles autorités au pouvoir depuis la mort d'Idriss Déby Itno.

Un Conseil militaire de transition (CMT) de 15 généraux, présidé par l'un des fils d'Idriss Déby, Mahamat Idriss Déby, lui-même général à 37 ans, avait pris le pouvoir le 20 avril en annonçant la mort du chef de l'État, tué au front contre des rebelles.

"Nous nous réjouissons de la décision de l'Union Africaine qui a décidé d'accompagner le Tchad et qui a également reconnu la spécificité du problème tchadien", a déclaré à l'AFP Abderaman Koulamallah, le porte-parole du gouvernement.

"Il y aura un forum inclusif qui se mettra en place et qui se penchera sur les questions des élections, de la réconciliation nationale et partant, de la paix d'une manière générale", a-t-il poursuivi.

De son côté, Wakit Tama, une plateforme composée d'associations de la société civile et de partis politiques de l'opposition, qui appelle à manifester contre la junte au pouvoir et dénonce un "coup d'État institutionnel", a critiqué la décision de l'UA. "On jette à la poubelle les conclusions de l'Union africaine qui consistent à ne pas condamner la prise de pouvoir par la force des armes", a indiqué à l'AFP Max Loalngar, coordinateur de Wakit Tama.

Le CMT a dissous le gouvernement et le Parlement et abrogé la Constitution tout en promettant des élections "libres et démocratiques" au terme d'une "transition" de 18 mois renouvelable une fois.

"Aucune extension acceptable pour l'UA"

Jeudi, le Conseil de paix et de sécurité de l'UA avait insisté sur le respect du délai de 18 mois avant l'organisation des élections, "en affirmant catégoriquement qu'aucune forme d'extension de la période de transition prolongeant la restauration de l'ordre constitutionnel ne saurait être acceptable pour l'UA".

Cette décision de l'UA avait été annoncée comme imminente depuis plusieurs jours. Elle avait ensuite été repoussée, preuve des difficultés des pays membres de l'Union, dont certains sont opposés aux changements de pouvoir anticonstitutionnels, à se mettre d'accord, entre partisans d'une suspension du Tchad et de sanctions d'un côté, et de l'accompagnement de la transition promise par les militaires de l'autre.

L'UA avait réitéré jeudi "son rejet total de tout changement anticonstitutionnel de gouvernement sur le continent". Mais elle invoquait un Tchad "confronté à des attaques graves et multiformes" de "mercenaires" parmi les rebelles venus de Libye, qu'elle "condamnait fermement",  ainsi que "des terroristes de Boko Haram, de l'Iswap (le groupe État islamique en Afrique de l'Ouest) dans le bassin du lac Tchad".

Le Tchad, avec une armée considérée comme la plus puissante de la sous-région, est un pays clé dans la lutte contre les jihadistes au Sahel.

Idriss Déby Itno, décédé à 68 ans, dirigeait le Tchad d'une main de fer depuis trente ans. Il a été tué par les rebelles le 19 avril en allant commander lui-même son armée au front, selon N'Djamena.

L'autorité électorale avait proclamé le soir même sa victoire pour un sixième mandat à la présidentielle du 11 avril, avec près de 80 % des suffrages, mais ce n'est que le lendemain que le CMT avait annoncé sa mort.

Sous la pression internationale, la junte a nommé un "gouvernement de transition" de civils le 2 mai avec pour chef Albert Pahimi Padacké, le dernier Premier ministre de feu Idriss Déby. Puis le CMT avait promis de "nommer" également les membres d'un Conseil national de transition (CNT) chargé de faire office d'organe législatif durant la transition, désignation qui se fait attendre.

L'Union africaine a exigé jeudi également que "les autorités de la transition mettent en place de toute urgence le CNT comme prévu  avec un mandat clair et précis pour, entre autres, rédiger une nouvelle Constitution".

Elle a demandé aussi au "président" et aux membres du CMT de "respecter l'engagement" qu'ils ont pris de ne pas se présenter ou de ne pas prendre part aux prochaines élections "libres, justes et crédibles à la fin de la période de transition".

Enfin, le CPS a exhorté "le gouvernement de transition à accélérer le processus d'organisation d'un dialogue national inclusif et transparent et d'une réconciliation nationale  sous les auspices du Premier ministre, dans les trois prochains mois". Et à "donner la priorité à la promotion, la protection et la sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales de tous les Tchadiens, en particulier la liberté d'expression et de réunion pacifique".

Sous le maréchal Déby comme sous Mahamat Déby, les manifestations de l'opposition la plus critique, qui dénonce "un coup d'État", sont systématiquement interdites et empêchées par des forces de l'ordre massivement déployées qui répriment violemment toute tentative de rassemblement.

Gisèle Mbuyi MMC/AFP


(GMM/PKF)