"Tout comme en France certains disent n'achetez pas les marques turques, je m'adresse ici à ma nation: surtout ne prêtez pas attention aux marques françaises, ne les achetez pas", a déclaré M. Erdogan dans un discours à Ankara.

"Une campagne de lynchage semblable à celle contre les Juifs d'Europe avant la Deuxième Guerre mondiale est en train d'être menée contre les musulmans", a-t-il ajouté, accusant certains dirigeants européens de "fascisme" et de "nazisme".

A deux reprises, ce week-end, le président turc avait mis en cause la "santé mentale" du président français Emmanuel Macron, dénonçant ses positions vis-à-vis des musulmans.

Le discours du président français lors d'un hommage national au professeur décapité dans un attentat islamiste le 16 octobre pour avoir montré des caricatures du prophète Mahomet en classe, avait notamment suscité sa colère.

Le président français a toutefois enregistré une série de soutiens en Europe, à commencer par le Premier ministre néerlandais Mark Rutte.

"Les propos du président Erdogan à l'encontre du président Emmanuel Macron sont inacceptables. Les Pays-Bas défendent résolument aux côtés de la France les valeurs communes de l'UE. Pour la liberté d'expression et contre l'extrémisme et le radicalisme", a-t-il tweeté.

Dimanche, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell et le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis avaient également manifesté leur soutien au président français.

Dès samedi soir, des produits français ont été retirés des rayons de supermarchés à Doha, au Qatar. Mais, en Jordanie, des vidéos sur les réseaux sociaux montraient des rayons de supermarchés vidés de leurs produits français, ou remplacés par ceux d'autres pays. Les vidéos étaient accompagnées de hashtags #France Boycott ou "#Our Prophet is a red line" (Le prophète est notre ligne rouge).

Le chef de la chambre de commerce d'Amman, Khalil Haj Tawfeeq a écrit à l'ambassadeur de France en Jordanie pour qu'Emmanuel Macron s'excuse immédiatement. Des appels à manifester ont été lancés pour ce lundi dans la bande de Gaza et mardi à Amman. Et, ce week-end, plusieurs rassemblements ont eu lieu, en Tunisie ou dans certaines régions de Syrie, même s'ils n'ont réuni que quelques dizaines de personnes.

"Il n'est pas question de céder au chantage", a dénoncé Geoffroy Roux de Bézieux, le chef du Medef, le principal syndicat patronal en France, appelant les entreprises françaises à faire passer leurs "principes" avant les affaires.

Les entreprises de l'agroalimentaire, du luxe et des cosmétiques pourraient être particulièrement touchées par ce boycott dans les pays du Maghreb et du Proche et du Moyen-Orient.

Plusieurs dizaines de petits sites internet français ont par ailleurs été touchés par une vague de piratages informatiques consistant à leur faire afficher des messages de propagande islamiste, a constaté lundi l'AFP.

Des messages tels que "Victoire pour Mohammed, victoire pour l'Islam et Mort à la France" et un montage représentant Emmanuel Macron grimé en cochon étaient affichés à la place de la page d'accueil de sites d'associations de retraités, de commerces ou de petites mairies.

Ce lundi, la ministre française de la Culture Roselyne Bachelot a appelé à "l'apaisement", expliquant que la France ne luttait pas "contre les musulmans français" mais contre "l'islamisme et le terrorisme".

La veille, le ministère des Affaires étrangères français a déclaré que "les appels au boycott sont sans aucun objet et doivent cesser immédiatement, de même que toutes les attaques dirigées contre notre pays, instrumentalisées par une minorité radicale".

Emmanuel Macron avait tweeté peu après: "La liberté, nous la chérissons; l'égalité, nous la garantissons; la fraternité, nous la vivons avec intensité. Rien ne nous fera reculer, jamais".

Outre M. Erdogan, et plusieurs autres responsables politiques dans le monde musulman ont également critiqué Emmanuel Macron. Au Pakistan, le Premier ministre Imran Khan l'a accusé d'"attaquer l'islam".

Le ministère des Affaires étrangères marocain a fait savoir que le Royaume condamnait "vigoureusement la poursuite de la publication des caricatures outrageuses à l'islam et au prophète".

Les talibans ont aussi condamné les "déclarations du président français" dans un communiqué, les qualifiant d'"ignorantes et islamophobes".

Gisèle Mbuyi


(GM/Yes)