"Ils nous donnent le nom et la composition des produits puis nous passons au laboratoire. Nous vérifions en premier lieu, la qualité hygiénique de ces médicaments, ensuite à la toxicité, et enfin à des tests in vitro pour voir comment se comporte le sang humain en présence du produit", affirme le professeur Kouami Kokou, directeur national de la recherche scientifique. Il préside également la commission ad hoc chargée de trouver un traitement efficace contre le nouveau coronavirus.

Par ailleurs, trois produits ont été sélectionnés pour continuer la phase de test. "Pour le moment nous ne prétendons pas trouver un médicament soigner ou prévenir [la covid-19] mais un médicament amélioré qui pourra booster l'immunité des patients et aider les malades à guérir", confie le professeur Kokou.

Cependant, le processus est lent et prudent. Il s'agit pour l'équipe du professeur Kokou de vérifier la qualité hygiénique des médicaments. Certains produits peuvent mettre en danger des organes du corps humain tels que les reins.

Manque de reconnaissance des remèdes africains

Plusieurs traitements à base de plantes sont proposés par la pharmacopée africaine. Parmi elles, le Covid Organics expérimenté dans la grande Ile de Madagascar, la Fagaricine au Gabon et le remède de Monseigneur Kleda au Cameroun. L'efficacité de ces "remèdes" à base de plantes n'est pas prouvée ; la pharmacopée pose ainsi le débat sur les remèdes traditionnels dans l'espace public.

Quel est le rôle et la place de la médecine traditionnelle africaine dans ce combat mondial contre le nouveau coronavirus et particulièrement dans la communauté scientifique ? Pourrait-elle être prise plus au sérieux ? Devrait-elle être prise plus au sérieux ?

La médecine traditionnelle, même si souvent négligée par les Etats, est utilisée par une grande partie de la population africaine. Le secteur est souvent désorganisé, laissant la porte ouverte aux charlatans. Ces derniers sont d'ailleurs le principal mal dont souffre ce milieu.

D'autre part, les tradi-praticiens se plaignent depuis longtemps de ne pas être pris au sérieux par les décideurs du continent.

"Avant d'être écouté et entendu dans le monde, il faut que nous-mêmes africains croyons en nous-mêmes. Quand je dis nous-mêmes, je parle des décideurs, les scientifiques, les universités", se désole Eric Gbodossou, un tradithérapeute qui gère un centre de médecine traditionnel à Malango, un village situé à l'Ouest du Sénégal.

"Le terme de médecine traditionnel est péjoratif. Nous l'utilisons simplement pour être en harmonie avec le monde. Il n'y a que deux médecines : la médecine tout court, utilisé depuis la nuit des temps, et la médecine conventionnelle [qui] date seulement depuis Descartes au 16e siècle", dénonce Eric Gbodoussou.

Dans la promotion de son "remède," le président malgache est allé plus loin. Il n'hésite pas à affirmer que si les vertus du Covid Organics sont contestées, c'est parce qu'il a été créé en Afrique.

Pourtant, l'Organisation Mondiale de la Santé reconnait les bienfaits de la médecine traditionnelle. Néanmoins, elle préconise des tests cliniques probants afin de s'assurer de la fiabilité des remèdes proposés contre le nouveau coronavirus.

"Les traitements [contre la COVID-19] peuvent venir de molécules qui ont déjà été utilisées pour d'autres pathologies et également de la médecine traditionnelle. Comme vous savez, la médecine traditionnelle est à la base de plusieurs médicaments utilisés dans la thérapeutique. Donc elle fournit un grands nombre de médicaments et il n'est pas exclu qu'il y ait des molécules qui proviennent de la médecine traditionnelle", informe le Dr Jean-Baptiste Nikiema chef d'équipe des médicaments, technologies et équipements de santé de l'OMS.

Cependant, la médecine traditionnelle fait face à de nombreux défis tels que la production de ces solutions médicinales à grande échelle. Les traitements à base de plantes doivent être testés aussi bien pour leur efficacité que pour leur toxicité.

Symbiose

Une collaboration entre la médecine traditionnelle et celle conventionnelle, c'est bien possible.

En Guinée, l'Institut de Recherche et de Développement des Plantes Médicinales et Alimentaires de Guinée regroupe scientifiques et tradi-praticiens pour mettre au point des médicaments à base de plantes.

L'institut a lancé des essais cliniques des médicaments pour traiter lle Covid-19.

"Nous avons sélectionné des plantes qui ont présenté des activités significatives dans le domaine microbien et puis dans le domaine inflammatoire. En fonction de ça, nous allons essayer d'examiner. Nous allons présenter les produits qui présentaient un meilleur intérêt pour tester cliniquement ces médicaments", dit Pr Mamadou Aliou Baldé, directeur de l'institut.

Au Togo, le regard du Pr Kouami et des collègues a changé l'égard des tradi-praticiens. Selon lui, "le côté positif de cette maladie est cette collaboration".

"Avant, on pensait que les tradi-praticiens étaient des imposteurs, des gens avec qui on ne pouvait pas collaborer. On avait un regard critique sur tout ce qu'ils faisaient", conclu-il.

BBC