En tête de peloton des agents publics les plus corrompus de la République démocratique du Congo, d’après un rapport de l'Observatoire de Surveillance de la Corruption et de l'Éthique Professionnelle, (OSCEP), publié début novembre 2019, les policiers de circulation (Roulages) restent loin d’être des modèles à Kinshasa. Malgré cette mauvaise réputation, plusieurs parmi eux persévèrent dans les mêmes pratiques.

Ce jeudi 12 décembre 2019 – alors que le grand Boulevard du 30-Juin a déjà perdu 2 de ses 4 bandes de chaque côté (pour raison des travaux) au niveau de son croisement avec l’avenue de Libération (ex-24 Novembre), un groupe d’éléments de la Police spéciale de roulage (PSR) décide d’arrêter un conducteur de taxi sur la chaussée. Au lieu de le convier à garer de côté pour décongestionner les deux bandes opérationnelles, ils prendront tout leur temps de discussion au beau milieu de la route, suscitant une nouvelle file d’embouteillage.

Ils se retrouvent parfois en meute dans un carrefour de grand trafic sans fluidifier la circulation. Mais pour attendre, en embuscade, des conducteurs malchanceux. Une pratique déjà décriée par le Commissaire provincial de la police, le général Sylvano Kasongo. Celui-ci condamnait, dans une parade, le fait que des policiers de circulation fuient leur poste d’attache pour s’agglutiner autour d’un rond-point souvent juteux afin de rançonner des automobilistes. Mais des policiers récalcitrants ne l’entendent pas toujours de cette oreille.

Dans une vidéo qui a fait le tour des réseaux sociaux récemment à Kinshasa, l’on aperçoit un brigadier en chef de la Police spéciale de roulage en train de se faire corrompre par un chauffeur. C’est d’ailleurs lui-même et d’autres agents du ministère provincial de transport qui prennent l’initiative de se faire corrompre, estimant que si le chauffeur se rendait dans un commissariat de police, son véhicule finirait dans une fourrière. Et quelques jours après, le brigadier est arrêté puis interrogé – manu militari – par le général Sylvano Kasongo lui-même.

« Chef, l’idée [de se faire corrompre] à 20 000 francs est venue des agents avec qui nous avons interpelé le véhicule ensemble pour manque de vignette. Nous lui avons dit qu’il faut nous donner cet argent de peur que son véhicule finisse dans la fourrière. Mais il nous a dit qu’il va à l’aéroport et il n’a pas d’argent, rien que 10.000 francs. C’est ainsi que nous avons perçu ensemble ces 10 000 francs et nous l’avons libéré. », explique au Commissaire provincial, le fameux brigadier en chef, Gaby Muamba Nzembele, l'agent E-509 de la Police spéciale de roulage.

Dans une autre parade organisée au stade Tata Raphaël de Kinshasa, le Commissaire général de la police, le général Dieudonné Amuli n’avait pas gardé sa langue en poche pour exprimer son dégoût face aux tracasseries et à la corruption auxquelles se livrent ses agents. « Vous faites la honte de la police », s’était-il indigné. Estimant recevoir régulièrement des plaintes liées également à la mendicité de ces célèbres « roulages ». « (…) à cause de la mendicité, vous saluez n'importe qui juste pour avoir de l’argent... », pestait en mai 2019, le patron de la police congolaise. Et quelques mois après, à Kinshasa, leurs méthodes n’ont pas changé. Elles constituent, par contre, un véritable casse-tête pour le trafic routier. Obligeant parfois certains conducteurs d’engager des courses-poursuites avec ces policiers. Des courses qui finissent en drame pour la plupart.

Plusieurs rapports accusent ces agents de police d’évasion fiscale. Lors des conférences budgétaires de 2014, on estimait les potentiels réels des amendes de la province du Sud-Kivu à 30 millions de dollars et du Nord-Kivu à 20 millions. Et pourtant la ville de Kinshasa qui regorge plus des routes et des unités de police (3.895 unités de police) peine à mobiliser 10 millions de dollars par année.

Et d’après les différents rapports d’exécution des budgets de 2014 à 2017, les recettes issues des amendes transactionnelles pour la Police spéciale de roulage n’ont jamais dépassé la barre de 500 mille dollars par année. Un vrai domaine d’évasion fiscale, puisque la plupart des amandes finissent leur course dans les grosses poches des treillis.

Dido Nsapu


(DNK/Yes)