Aujourd’hui à Kinshasa, il est l’un des experts incontournables quand il faut évoquer les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Déjà très prolifique en termes d’ouvrages sur ce sujet, Kodjo Ndukama Adjayi est Docteur en droit de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Il est actuellement professeur de Droit numérique à la prestigieuse Université Protestante au Congo (UPC). Son intervention sur la très bouillonnante affaire de sextape impliquant le chanteur congolais, Héritier Watanabe  avec une certaine Naomie Mbando est à couper le souffle.

Une vidéo à caractère sexuel de cet ancien chanteur de Werrason circule sur les réseaux sociaux depuis jeudi 14 novembre 2019. La séquence l’illustrant dans un auto-filmage d’une scène de conjonction sexuelle. Très vite, explique le professeur dans une tribune, l’infraction d’attentat à la pudeur est évoquée. Les journaux annoncent qu’il est interpellé par la police judiciaire afin d’y répondre.

Les juristes  se posent alors la question si l’autorité judiciaire peut se saisir des faits du monde virtuel pour attraire un sujet sur le terrain des poursuites pénales. Les moralistes condamnent l’acte, mais quel acte ?, s’interroge Kodjo Ndukuma. « L’acte sexuel ? Le fait de se filmer entre quatre murs ? Les paroles scabreuses que l’instant jouissif arrache à la langue du garçon qui se dit n’avoir jamais gouté à telle chair, et jurant par Bacchus et, la nature qui a forgé une telle plastique qu’il ne lâcherait tel délice que si par impossible son goût exquis pouvait trouver équivalent » a enchainé l’expert avec une touche rare d’écriture.

Mais les choses captivantes, Kodjo Ndukuma les réserve au ventre de sa tribune. L’expert fonde son explication sur le fait que le chanteur serait « victime » d’un vol des données personnelles. « Internet est un espace public par excellence. Point ne serait besoin de prouver l’intention de diffusion publique, car le simple fait de poster quelque chose sur le Net convainc de l’épanchement à le partager à un public indifférencié. Il semble toutefois que Héritier Watanabé n’en n’a jamais eu l’intention. », fait-il remarquer. Avant de lâcher ceci : « L’idylle des mots susurrés à l’oreille de la belle diva (Oh ! bon Dieu ! qu’elle est belle  sa partenaire !) devrait rester entre eux ainsi que pour leur cinéma à huis clos, selon plusieurs dires à étayer dans l’instruction de la cause, une tierce personne, dotée du savoir informatique aurait donné un autre destin en divulguant l’œuvre qui fut une bénédiction de clandestinité mais qui devint une malédiction de publicité. »

Pour Kodjo, « le juge congolais, comme nous le disions déjà au 1er mars 2017, devrait évoluer avec son temps et rechercher voleur et le diffuseur des données personnelles dérobées. Sinon, ce serait comme condamner pour meurtre celui à qui on a volé l’électricité et dont le raccordement frauduleux a électrocuté un tiers », a-t-il rappelé. Contrairement à des pays qui ont adapté leur législation en cette matière, en RD Congo, insiste l’expert, « le pauvre Héritier Watanabe est sous la vindicte des moralistes (souvent hypocrites, meilleurs connaisseurs du Kamasutra) ».

Monsieur Kodjo pense que le présumé coupable serait donc celui qui a volé les données personnelles du chanteur. "Qu’en est-il du réparateur de téléphone ou de l’informaticien de maintenance qui subtilise les données du client quand celui-ci lui confie, de bonne foi, son portable, son ordinateur pour des services techniques ? Puisque le technicien y découvre un contenu lubrique, il s’en accapare pour des fins de chantage ou d’échange amical ou intéressé. C’est de la sextorsion ! L’acteur du sexe-tape devient la victime d’une « revanche pornographique », a-t-il décri dans sa tribune.

Le constat malheureux de ce professeur, c’est qu’en République démocratique du Congo, l’ère numérique défie le droit, obligeant de nouvelles théories de rattachement de la compétence de juge sur les réseaux sociaux numériques. Surfant sur la ligne de défense de ce disciple d’Orphée – qui a juré devant le parquet que ses données personnelles ont été divulguées par des tiers – le professeur pense que ce chanteur devait plutôt être considéré comme une victime plutôt qu’un bourreau qui a porté atteinte à la pudeur. Ce qui a visiblement poussé cet expert à donner une terrible chute à sa tribune : « Héritier Watanabé doit être regardé non plus dans son simple appareil, cependant son nouveau visage doit apparaître devant les fourches de la justice sous les lunettes non pas de l’émotion mais sous les traits d’un jeu abusé et désabusé à l’ère de l’Internet-roi. Courage l’Artiste ! ».

Dido Nsapu


(DN/PKF)