Depuis les élections de 2006 où il y a eu contentieux électoral à la section constitutionnelle de la défunte Cour suprême de justice (CSJ), c'est la toute première fois que la Cour ouvre une Chambre spéciale pour rectifier plusieurs de ses Arrêts contestés par les requérants invalidés. La plupart démontrent aisément que la haute Cour s'est trompée dans son jugement. Comme par exemple le cas des députés élus dans des circonscriptions à siège unique, où on n'applique pas le seuil de 1% du suffrage, mais plutôt le mode majoritaire qui fait que celui qui est en tête du nombre de voix est proclamé élu.

Pourtant la haute Cour a fait le calcul du seuil et par conséquent a invalidé par cette erreur celui qui était élu. Des cas comme celui-ci sont légion. D'où, la surchauffe provoquée par ces Arrêts contestés à chaque coin de rue, ce qui a le désavantage de troubler la paix sociale. Or, jusqu'hier soir, la Chambre spéciale n'avait toujours pas encore commencé ses audiences. Alors que le temps lui est compté.

On est déjà à quelque chose comme six mois après les élections du 30 décembre 2018, sans avoir les résultats définitifs, c'est-à-dire que les députés qui seront effectivement appelés à siéger. Six mois, on a toujours à faire à une Assemblée nationale avec des députés provisoires, mais avec un Bureau définitif. Pas du tout normal.

La Chambre spéciale n'a plus de temps à perdre. D'autant que la Chambre spéciale elle-même risque aussi d'être débordée par l'immensité de la tache comme l'a été la Cour pour les 1.300 requêtes reçues. 53 requêtes en rectification des Arrêts, ce n'est pas une mince affaire, loin s'en faut, avec seulement trois Juges siégeant à la Chambre spéciale étant donné que chaque dossier implique deux parties, à savoir le député qui siège et le requérant.

Il comporte une foule de données qu'il faut examiner minutieusement, la loi en main pour ne pas retomber dans la même erreur qui a poussé à une flambée de contestations pour arriver à la constitution de la Chambre spéciale en vue de rectifier les Arrêts comportant des erreurs matérielles.

Si la Cour avec les 7 Juges n'est pas parvenue à respecter le délai légal de deux mois pour le contentieux électoral, la Chambre spéciale aurait besoin de combien de temps pour épuiser complètement les 53 requêtes en rectification. Là, c'est côté Droit.

Côté politique, c'est le Président de la République Félix Tshisekedi qui est appelé à intervenir en sa qualité de garant de la Constitution et du bon fonctionnement des Instituions de l'Etat. Toute la classe politique dans son ensemble, Majorité et Opposition, émet sur la même longueur d'ondes à ce sujet.

Le chef de l'Etat lui-même en est conscient et c'est la raison pour laquelle il a convoqué lundi dernier à la Cité de l'UA Benoit Lwamba Bindu, le Président de la Cour constitutionnelle. Le premier grief que le Magistrat suprême lui a formulé est qu'ils ont largement dépassé le délai légal de 60 jours pour le contentieux électoral.

Ce qui, en Droit, rend nul et de nul effet les actes rendus-ici les Arrêts- hors délai légal. C'est du reste le premier argumentaire de tous les députés invalidés par la haute Cour. La réponse donnée au chef de l'Etat par le Président de la Cour constitutionnelle est tout aussi nulle en Droit. Car la Cour ne peut justifier le dépassement du délai de 2 mois à 6 du fait qu'elle ne dispose que de sept Juges face à 1.240 requêtes.

La Cour étant la plus haute juridiction, ses Arrêts servent de jurisprudence aux Cours inférieures. Ce qui veut dire que les Cours administratives d'appel des provinces chargées de connaitre le contentieux électoral pour les députés provinciaux dans un délai de 7 jours peuvent abusivement déborder et le justifier par une carence de magistrats.

Les Arrêts prononcés hors délai seraient rendus nuls au degré supérieur du Conseil d'Etat, c'est cela le Droit. Qui va faire le même constat et décider en ce qui concerne les Arrêts hors délai de la Cour constitutionnelle ? C'est là où les Congolais regardent du côté du Président de la République, garant de la Constitution et du bon fonctionnement des Institutions.

Il faudra alors trouver quel mécanisme juridique mettre en place pour prononcer la nullité de ces Arrêts de la haute Cour pris hors délai légal. Ce serait alors une grande première dans les annales de la Cour constitutionnelle depuis la Cour suprême de justice (CSJ). La vérité, c'est que la première contestation de tous les invalidés est d'abord de forme, sur le délai légal.

Si cette question n'est pas réglée avant toute chose, quelle serait la réaction des députés invalidés qui sont convaincus que les Arrêts de la Cour rendus hors délai n'ont aucune valeur juridique, mais les voit appliquer au profit de ceux qui sont validés. Il se pourrait que les 53 requérants invalidés aient gain de cause à la Chambre spéciale. Ce qui ferait que les résultats définitifs de la Cour serraient proches de ceux provisoires de la CENI. Ce qui éviterait une sorte de bigbang avec un chambardement total de la configuration actuelle à la Chambre basse.

Kandolo M./Forum des As


(ROL/TH/GW/Yes)