Quatre mois après la prise des fonctions du 5ème Président de la République, Félix Antoine Tshisekedi TShiIombo, ayant marqué la concrétisation d'une première alternance politique et pacifique en République Démocratique du Congo, cette Ong de la société civile congolaise, à la fois membre du Réseau PRODDES et de l'Observatoire Citoyen de la Gouvernance et des Droits Sociaux, n’a nullement dérogé à sa vocation. Devant cette urgence, le Cenadep a décidé de rompre avec le silence tout en circonscrivant ses revendications sur les axes essentiels de la vie publique, notamment sur les plans politique et socio-économique.

Sur le plan politique, le constat fait par le Cenadep a porté sur le fait que l'espace des libertés d'opinion et des pensées connaît un réel élargissement et apaisement, mais demeure tributaire d'un excès de zèle de certains agents de l'ordre qui n'ont pas perdu les mauvais reflexes et l’arbitraire auxquels ils ont été habitués.

Dans ce même ordre d’idées, l’Ong qui déploie ses activités sur l’ensemble du territoire national fait remarquer que la décrispation politique tant attendue connaît un progrès réel avec la libération de plusieurs prisonniers politiques et le retour d’exil de grandes figures de la scène politique congolaise.

La liberté de la presse a fait un bond en avant, la qualité des émissions de la radiotélévision nationale congolaise ainsi que la prestation des journalistes dénotent une nette amélioration. La plate-forme politique LAMUKA se démontre comme la principale force de l'0pposition malgré des sons de cloches parfois divergents de ses animateurs sur son attitude face au Pouvoir actuel.

Et d’ajouter que les différentes tractations entre les plates-formes politiques, Cap pour le Changement (CACH), et le Front Commun pour le Congo (FCC), pour des compromis politiques liés au choix des animatrices et animateurs des institutions, laissent la population perplexe et interrogatrice sur la concrétisation réelle d'un changement incarnant l’alternance politique.

Un Premier Ministre issu de la Majorité parlementaire a été nommé, mais demeure dans l’incapacité de former le gouvernement et à présenter un programme pour son investiture à l’Assemblée nationale, les négociations entre le CACH et le FCC n’ayant pas encore abouti. Les récentes nominations des administrateurs à la GECAMINES et à la SNCC ont suscité moult réactions aussi bien au sein de la classe politique que de la société civile.

Par cette même approche, le Cenadep a constaté que le traitement des contentieux électoraux par les cours et tribunaux a pris beaucoup de temps et abouti à des décisions diversement appréciées qui suscitent des soupçons de monnayage des verdicts. Il en a été de même du cas des relations diplomatiques et de coopération avec plusieurs pays ainsi que des organisations internationales qui s'améliorent progressivement. Après les élections présidentielle, législatives, provinciales et sénatoriales, la CENI sombre dans un mutisme en rapport avec les élections locales, urbaines et municipales qui risquent, une fois de plus, d'être renvoyées sine die.

Le mandat des membres du bureau de la Commission électorale nationale indépendante arrive à échéance fin juin 2019. Faute d'un mécanisme formel et transparent de renouvellement de ses animateurs, des groupuscules instrumentalisés de la société civile s'activent dans l’opacité la plus totale pour désigner des délégués à la CENI.

Pour le Cenadep, certaines organisations et acteurs de la société civile se comportent comme appendices des partis politiques et se distinguent dans la course aux postes ministériels dans le futur Gouvernement. Les Congolais de la Diaspora demeurent divisés face à l'alternance politique en RDC; le Président de la République ne s'offusque pas à s'incliner sous l'autorité des confessions religieuses au risque de mettre à mal le caractère laïc de l'Etat, consacré par la constitution.

Sur le plan socio-économique, le Cenadep a estimé que les conditions sociales et économiques de la population demeurent précaires et ne connaissent pas encore une quelconque tendance d'amélioration : l'accès aux soins de santé, à l'eau potable, à l'électricité, à une bonne alimentation, à la scolarité, aux moyens de transports, au logement, au travail décent, demeure une préoccupation pour une frange importante de la population dont le pouvoir d'achat ne s'améliore toujours pas; L'épidémie d'Ebola n'est toujours pas maîtrisée, plusieurs cas sont signalés dans la partie Nord-Est du pays. A cela s'ajoutent les autres épidémies de rougeole et de Chikungunya dans la partie Ouest du pays.

De plus en plus des travailleurs, tous secteurs confondus, revendiquent l'amélioration de leurs conditions de travail sans peur de représailles comme dans le passé. Bien que certains groupes et milices armés déposent progressivement les armes et se rendent aux autorités locales, des foyers de tensions meurtrières et d'insécurité persistent : les tueries par des groupes armés multi-facettes à l'est du pays et principalement à Beni; le banditisme juvénile à Kinshasa et dans d'autres grandes villes; des coupeurs de route sur certains axes routiers importants; etc.

Le FMI et la Banque mondiale ont repris le dialogue avec les nouvelles autorités en vue de relancer leur programme en République démocratique du Congo. Des travaux de réhabilitation de quelques infrastructures routières, scolaires et sanitaires ont été lancés à Kinshasa et dans les grandes villes dans le cadre des cent jours décrétés par le Président de la République.

L'insalubrité à Kinshasa et dans les grandes villes du pays demeure préoccupante; le marché de consommation continue à être inondé de produits importés de qualité douteuse; des mesures d'encadrement de la sous-traitance ont été prises, mais ne produisent pas encore de changements tangibles.

Devant cette urgence, le Cenadep en a appelé à tous les niveaux de la classe politique notamment au Président de la République, aux parlementaires congolais, aux cours et tribunaux, aux partis politiques, aux partenaires de coopération et aux organisations membres de la société civile.

Sommes toutes, cet appel a porté entre autres sur la mise en place des mécanismes transparents et participatifs de collaboration avec la société civile, dans sa diversité, comme force de mobilisation sociale et de propositions d'alternatives. A cet effet, il a exhorté le Président de la République à s'impliquer personnellement pour la mise en œuvre du socle de protection sociale en général et la couverture maladie universelle en particulier ainsi que la protection des droits des enfants et des personnes vivant avec handicap physique ou mental.

Il en a été de même de soutenir de manière substantielle l'agriculture familiale, l'économie populaire et l'artisanat en tant que principaux secteurs d'encadrement des masses laborieuses; de s'investir efficacement dans la promotion de la transparence dans les industries extractives, la valorisation de l'artisanat minier, la lutte contre la fraude et la corruption à tous les niveaux et principalement dans les mécanismes d'octroi des actes administratifs, des passeports, des permis de conduire ainsi que des visas.

Le Baromètre


(ROL/GW/Yes)