Le Dr en sociologie, Ingrid Mulamba Feza de la faculté des sciences sociales, politiques et  administratives de l’Université de Kinshasa(UNIKIN) encourage des perspectives de recherche socioéconomique sur les pratiques des femmes restauratrices de rue communément appelées « Malewa » dans la lutte contre la pauvreté à Kinshasa.

Le nouveau docteur à thèse, Ingrid  Mulamba, l’a déclaré  lundi lors d’un entretien avec  l’ACP  sur sa thèse doctorale intitulée «Combiner pour réussir : les pratiques de Mama Malewa dans leur lutte contre la pauvreté à Kinshasa ».

Elle envisage  d’une part de  publier les résultats de cette recherche dans les revues internationales et livre,  d’autre part poursuivre  les séances d’encadrement avec les femmes restauratrices de rue.

Cette étude, a-t-elle dit, se trouve  à la croisée de l’économie populaire et informelle et la socio-économie du  développement.

Pour cela, elle a structuré en deux parties sa réflexion. Dans la première partie, elle avait  circonscrit  les données de base sur    la petite restauration de rue populaire et informelle, en présentant le champ d’investigation et en démontrant son enchâssement socio-anthropologique à Kinshasa.

La deuxième partie vise une compréhension des pratiques/logiques combinatoires des Mama Malewa puisées à partir des réalités du terrain kinois, c’est-à-dire plus spécifiquement dans les communes de Bandalungwa, Kasa-Vubu et de Limete, milieux où l’enquête a été menée.

Au terme de cette étude, elle avait regroupé ses réflexions en deux points à savoir : la question de la crise de la société congolaise et celle de l’enracinement des mentalités de combines pour réussir à Kinshasa.

Le premier résultat de cette recherche contenu dans sa thèse doctorale, a dit le Dr Ingrid Mulamba, apporte des éléments de réponse à partir du microcosme des restauratrices de rue à Kinshasa, en invitant  l’Etat congolais à encourager la lutte contre la pauvreté à travers ses institutions (Gouvernement, Société civile), par l’octroi des microcrédits et la formalisation des activités informelles.

Deux aspects  de la lutte contre la pauvreté pour la réussite avaient retenu son attention tout au long de ses analyses de données de terrain, à savoir : l’apparition des nouvelles formes d’organisation dans l’espace malewa à Kinshasa et la  reconfiguration des rapports sociaux entre acteurs.

Considéré souvent comme une activité de survie, le malewa, a-t-elle souligné,  se dévoile dans son exercice qui constitue un espace, une plaque tournante de plusieurs autres activités, services, idéologies.

Cette  étude a démontré qu’une hiérarchisation formelle et informelle se chevauche pour réellement exercer un pouvoir et des capacités de produire des stratégies dans le but de s’affranchir de la pauvreté.

Préoccupé par la réussite à tout prix, a-t- elle poursuivi,   le malewa combine les activités, services et idéologies susceptibles de soutenir l’optimalisation de ses recettes qui, à son avis, est une innovation qui lui confère sa propre identité. Cependant, son système de gestion reste flexible en fonction de l’avoir du client, qui lui donne sa place dans la fréquentation et la confiance des consommateurs.

Cette façon d’agir, selon Mme Ingrid Mulamba, constitue une nette rupture avec la forme classique de restaurant avec un menu et où la commande est servie à la carte.

Les fragments de récits de vie des restauratrices en témoignent visiblement, a-t-elle ajouté, soulignant que cette recherche a d’abord repéré un certain type des rapports entre les différents acteurs dans l’organisation de malewa.

Pour être directe, a dit le chercheur ,  le besoin de se nourrir se faisant ressentir à tous les niveaux par le fait de l’explosion démographique, les chantiers ouverts çà et là dans le cadre de la reconstruction du pays et utilisant une main d’œuvre abondante, l’inexistence des cantines scolaires et restaurants universitaires, le déficit des moyens financiers pour prendre des pauses consistantes, les restauratrices apportent une innovation dans l’espace kinois en offrant le service de proximité avec un élan familial pour répondre à la demande de la population .

Par ailleurs, l’approche sociologique du phénomène malewa utilisée par Mme Mulamba, a mis en évidence des attitudes qui frisent la crise récurrente de la problématique de la pauvreté et de la sécurité alimentaire à Kinshasa dans la mesure où, beaucoup de références découvertes dans cette recherche semblent y constituer un fait général établi, à travers des itinéraires et des parcours de vie des malewistes.

Le 2ème  résultat des pratiques de combine et la cristallisation de crise dans un pays en crise

La sociologue Ingrid Mulamba a affirmé avoir procédé  dans cette étude par la production des fragments de récits de vie dans  une démarche qui contribue aux débats de réfraction sur les débats épistémologiques, théoriques, méthodologiques et empiriques sur la question mise en évidence.

Celle-ci rentre dans le schéma analytique stratégique à travers lequel les concepts d’acteurs, de pouvoir, des stratégies et de marge de liberté qui sont d’un apport certain.

Les résultats de cette  recherche l’ont  amené   à formuler une remarque sur les propos de dames, relevant que  la combinaison renvoie tour à tour à des éléments attachés à un particulier avantage dont les dames sont bénéficiaires de la part d’un acteur social (services de l’Etat, association, travailleur, fournisseur, client etc…).

L’intériorisation des combines prend toujours une place dans la représentation de la lutte contre la pauvreté et de la réussite sociale. Selon elle, une combinaison réussie procède d’un haut degré de symétrie entre subjectivation idéologique et objectivation dans le jeu par la mise en place des stratégies et des attitudes in situ.

Les discussions mettent également en évidence une caractérisation de malewistes comme des actrices plurielles. Dans un cas comme dans l’autre, le prototype plausible reste la participation de ces dames à la dialectique de la société kinoise édictée par une cristallisation de la crise. Un processus qui démontre un peu plus superficiellement, certaines similitudes atypiques de la société congolaise globale.

Ce qui l’a poussé, tout au long de ce travail, à affirmer que, combiner n’est qu’un pas notamment,  vers l’amenuisement de l’assiette fiscale, la juxtaposition des acteurs dans le jeu, l’acquisition des capitaux, la maintenance du statut social.

Ces matières  sont, selon elle, considérées comme des futurs thèmes de recherche auxquels elle se focalisera pour développer  de nombreuses brèches pour d’autres chercheurs, soit à Kinshasa, soit dans d’autres coins de la RDC, pour obtenir, un jour, une vue d’ensemble et plus complète des différents contours du phénomène restaurants populaires et informels de rue, de l’antagonisme/opposition/contradiction entre les différents acteurs et leur espace de jeu qui est le «malewa».

Proclamée docteur en sociologie  avec la mention «la plus  grande distinction » en fin 2018 lors de la soutenance publique de sa thèse doctorale, Mme Ingrid Mulamba Feza attend sa nomination au grade de professeur associé à l’UNIKIN.

ACP


(BT/Yes)