La date est connue. C’est du 22 mai au 4 juin 2019 que l’équipe du FMI va passer au peigne fin les comptes publics de la RDC, après la suspension en novembre 2012 du dernier Programme économique conclu en 2009 avec le gouvernement congolais. Mais, une question taraude les esprits. Avec qui le FMI va-t-il entamer les premiers contacts, pour autant qu’en face, la RDC ne dispose pas encore de gouvernement investi de plein pouvoir? Un dilemme que le chef de l’Etat devrait vite résoudre par la nomination d’un Premier ministre.

Le Fonds monétaire international est enfin de retour en République démocratique du Congo. En réalité, depuis la suspension en novembre 2012 du second Programme économique du gouvernement (PEG 2), conclu avec la RDC, le FMI n’est pas totalement parti de la RDC.

En tant que membre du fonds, le FMI, tout en met- tant fin à l’accord formel qui le liait avec la RDC, a cependant gardé un œil sur le pays en termes d’assistance technique généralement accordée à tout Etat membre. Cependant, la RDC ne pouvait plus bénéficier d’appuis budgétaires du FMI.

Entre 2012 et 2016, le drame a pu être maîtrisé, grâce notamment à la ténacité de Matata Ponyo Mapon, alors Premier ministre. Mais, les premiers signes d’essoufflement sont apparus dès 2016 lorsque les cours de principales matières premières d’exportation de la RDC, essentiellement le cuivre et le cobalt ont amorcé une chute libre. Le cadre macroéconomique a fini par céder. Les indicateurs conjoncturels, à savoir le taux de change et le taux d’inflation, longtemps contenus dans des marges de fluctuations relativement stables, ont commencé à disjoncter.

Depuis 2012, la RDC a réussi à se tenir sans le FMI. Mais, avec le temps, les difficultés ressurgissent. Le cadre macroéconomique montre déjà des signes de faiblesse. Enfin, le malade, en l’occurrence la RDC, s’est rendu compte qu’il était temps de revoir son médecin, le FMI. C’est le président de la République, Félix Tshisekedi, profitant de son dernier séjour aux Etats-Unis, qui a fait le premier pas vers le FMI.

Reçu par Mme Christine Lagarde, le chef de l’Etat aexprimé le désir de renouer avec le FMI. Mais, le FMI sait pertinemment bien qu’à son absence depuis novembre 2012, son malade s’est livré à une médication qui a laissé des traces dans les comptes publics. Si le FMI a accepté le principe de rétablir le pont avec la RDC, sa directrice générale a cependant soulevé un préalable, celui de soumettre la RDC à des consultations au titre de l’article IV des statuts du FMI.

Qu’est-ce à dire ? Les consultations au titre de l’article IV sont ainsi nommées en référence à l’article des statuts du FMI qui requiert une revue des développements et politiques économiques dans chacun de 188 membres du Fonds. Elles couvrent un éventail de sujets considérés d’importance critique – questions budgétaires, financières, de change, monétaires et structurelles – en soulignant les risques et vulnérabilités en jeu ainsi que les réponses de politique économique possibles.

Une telle consultation est envisagée par le Fonds comme un dialogue de politique économique entre celuici et les autorités de chaque pays, et non une évaluation unilatérale. La mission rencontre généralement des membres du gouvernement et de la Banque centrale, ainsi que d’autres parties prenantes comme des membres du Parlement, des chefs d’entreprises ou de représentants syndicaux. Les services du FMI présentent ensuite un rapport au conseil d’administration, qui conduit à une déclaration finale et à la conclusion de la mission. Un résumé de discussions est ensuite communiqué aux autorités du pays.

Le FMI débarque

Pour le cas de la RDC, c’est du 22 mai au 4 juin 2019 qu’une équipe du FMI entamedes consultations au titre de l’article IV de ses statuts. Dans le jargon du FMI, ces consultations sont censées aider ses services à faire un état des lieux de la situation économique, monétaire et fi- nancière de la RDC, avant d’envisager des actions rentrant dans le cadre d’un accord formel au titre de la Facilité allergie de crédit (FEC). C’est dire que le chemin menant à la conclusion d’un tel accord est encore long. Tout passe par le diagnostic que mènera pendant deux semaines l’équipe du FMI en RDC.

Pour le gouverneur de la Banque centrale du Congo, Deogratias Mutombo Mwana Nyembo, qui a eu la primeur d’annoncer l’arrivée de cette mission, en marge de la dernière du Comité de politique monétaire, la RDC s’y prépare activement.

« En ce qui concerne la rencontre avec le Département Afrique du FMI, nous nous sommes focalisés sur la tenue prochaine des consultations du FMI au titre de l’article 4 des statuts du FMI qui seront tenues du 22 mai au 4 juin. Nous sommes en train d’attendre cette mission du Fonds monétaire international qui va séjourner à Kinshasa et qui pourra se rendre également dans l’ex-province du Katanga », a indiqué le gouverneur de la Banque centrale.

Avec qui négocier?

L’équipe du FMI arrive déjà en RDC. Il s’agit d’engager des discussions directes avec le gouvernement de la RDC dans la perspective de conclure un nouveau programme économique. Il y a cependant une inquiétude qui pourrait perturber le calendrier de prochaines négociations avec les services Afrique du FMI. C’est l’absence depuis l’investiture du président Félix Tshisekedi d’un gouvernement doté de plein pour engager l’Etat congolais.

Depuis lors, c’est le Premier ministre Bruno Tshibala qui continue à expédier les affaires courantes avec un gouvernement amputé de la moitié de ses membres – la plupart ayant opté pour le Parlement (Assemblée nationale et Sénat). Face à un Premier ministre affaibli, c’est Vital Kamerhe, le directeur de cabinet du chef de l’Etat, qui a pris le relais – la nature ayant horreur du vide – en s’adjugeant tous les attributs d’un chef d’un gouvernement. Une cacophonie qui se ressent cahin-caha dans la marche de l’Etat. Pas la peine que le FMI rouvre des négociations avec la RDC dans ce qui ressemble déjà à un désordre institutionnel entretenu.

C’est dire que l’arrivée annoncée des experts du FMI relance une fois de plus l’urgence pour le président Félix Tshisekedi de nommer le Premier ministre en vue de former le gouvernement. Le temps presse. Rien ne saurait encore justifier un quelconque report. Il y va aussi de la crédibilité de l’Etat congolais.

Le Potentiel


(TN/PKF)